Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500)

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     OEIL     
FEW VII oculus
OEIL, subst. masc.
[T-L : ueil ; GDC : oil ; DÉCT : ueil ; FEW VII, 310a : oculus ; TLF XII, 416b : oeil]

A. -

Au propre "Organe de la vision"

 

1.

[L'oeil tel qu'il voit] : ...et tantost je vi Une clarté qui descendi Du ciel sus euz [sur Joseph, Marie et Jésus] soutainnement, Et avec ce un parlement Oui haut qui me fist lever Mon regart pour là regarder ; Mez la clarté me rabati Si mez iex que rien je ne vi. (GUILL. DIGULL., Pèler. J.-C. S., 1358, 3582). De borgnes yeulz et traversains Ne puet estre regart bien sains. (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. St., c.1330-1331, 11529).

 

-

Loc. verb.

 

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Lever les yeux. "Regarder en l'air en direction de" : Mes tout ainsi comme levai Mes yex en haut et regardai, Une mont grant merveille vi (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. St., c.1330-1331, 96).

 

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Ouvrir ses yeux : Quant tiex paroles j'entendi J'ouvri .I. pou mes yex et vi Une main qui en haut tenoit Mon bourdon et le me tendoit. (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. St., c.1330-1331, 10786).

 

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Tourner les yeux qq. part. "Regarder en direction de" : Aussitost comme d'autre part Tournai mes yex et mon regart, Encore plus m'esmerveillai D'une chose que veüe ai. (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. St., c.1330-1331, 126).

 

2.

[L'oeil, tel qu'il est vu] : Les yex esrooulle comme .I. tor (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. St., c.1330-1331, 10471). SATAN. Or dirai quiex gens c'estoient Et quiex figures avoient. Li uns si estoient cornus, Les autres com sengliers dentus, Aus autres les yeux sailloient Et leurs [éd. Dont les] pruneles issoient [.] (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 2909). LE BOURREAU D'ENFER. ..."Vous, fils d'Envie Et fils du grant Tenebrifer, Le maleureus prince d'enfer, Aies memoire et bien penses Quë a juste cause pendes Par les yex qui onques maintien N'eurent a vëoir aucun bien !..." (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 4626).

 

Rem. D'après Duval 2006, 129, note 1 « la pendaison par les yeux, rappelle le sens étymologique du péché d'envie », envier venant du latin invidere "regarder d'un mauvais oeil".

B. -

[Comme lieu du regard] S'absenter des yeux de qqn. "Fuir le regard de qqn" : Et pense selonc mon avis Que pour le miracle du vin, (...) s'en vout aler [Jésus] Et de leur iex soi absenter. (GUILL. DIGULL., Pèler. J.-C. S., 1358, 4706).

 

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[L'oeil dans son action et sa fonction de voir] Voir à l'oeil. "Voir de ses propres yeux" : Mes piez me portent où je veul, Eles ont, tu le vois à l'ueil. (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. St., c.1330-1331, 11822). De ce quë as vëu a l'ueil Tant seulement parler te veil Selon que tu as demande. (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 10164).

 

Rem. Cf. FEW VII, 311a.

C. -

[L'oeil comme foyer de l'activité mentale]

 

1.

[Comme instrument d'observation] Avoir l'oeil sur./avoir l'oeil à./avoir son oeil vers. "Veiller à, être attentif à" : Je qui l'escherpe regardoie Et trestouzjours l'ueil i avoie, Vi goutes de sanc semees Dessur li et esbouciees (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. St., c.1330-1331, 3574). He douls fils, a toi parler veulh, Car a toi seul doi avoir l'ueilh. (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 6428). Tex choses fas pour ce que veul Que chascun ait vers moi son eul, Que soie dite sans pareil Et singuliere en apareil, Et qu'à moi nul ne soit onnis ; Quar de per et de compaignon Je n'ai cure en nulle saison (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. St., c.1330-1331, 7525).

 

Rem. Cf. FEW VII, 312a.

 

2.

[Dans une formule] Garder sur l'oeil que + subj. "Veiller, au péril de perdre la vue, à ce que" : « Certes, dist Grace, et je le veul Mes bien vous gardez sur l'eul Que ne contredïés jamais Mes biaus ouvrages ne mes fais » (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. St., c.1330-1331, 2000).

 

3.

[Comme instrument de jugement] : MARIE À JOSEPH. Or doiz tu ci bien regarder Et de bon euil [var. de bon cuer, en ton cuer] considerer Que tel chose [le voyage à Bethléem] senefie Qui sanz mystere n'est mie. (GUILL. DIGULL., Pèler. J.-C. S., 1358, 1778).

 

-

Voir le fetu en l'oeil de qqn et ne pas voir dedans le sien un chevron : Qui est cil qui le festu voit En l'ueil son frere, et pas ne voit Dedens le sien un chevron grant (GUILL. DIGULL., Pèler. J.-C. S., 1358, 179). [Citation de la parabole évangélique de la paille et de la poutre, Matth. VII, 3-5]

D. -

P. métaph. [Comme instrument de l'âme, de la pensée] : Ouvrez .I. pou discretement Les yex de vostre entendement ! (GUILL. DIGULL., Pèler. vie hum. St., c.1330-1331, 1704). Ces .III. [personnes de la Trinité] sont .I. Dieu seulement En unite conjoinctement Sans quelque rien devisee ; Mes l'ueil de bon entendement Y doit faire distinguement Quant la personne est nommee. (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 10820). Diex le filz a pris livree De vermeil bien tainturee En son sanc et sa mort dure. Maniere de verdoiement Et dë .I. gay confortement A le Saint Esperit [éd. Esp(e)rit] sens fable : Il esclarsist l'entendement Et l'ueil de l'ame vraiement (GUILL. DIGULL., Pèler. âme S., c.1355-1358, 10838).

 

Rem. Cf. FEW VII, 311a.
 

Pèlerinages de Guillaume de Digulleville Béatrice Stumpf


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